L'Afrique Littéraire et Artistique
L'Afrique et le monde noir vus du monde
INTERVIEWS
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HERVÉ TÉLÉMAQUE
1ère partie
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THOMAS
1ère partie
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GERNO
1ère partie
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RAMON
1ère partie
BUSHINENGE ET TEMBE MAN
C’est le grand peintre Haïtien, Hervé TÉLÉMAQUE (à qui on doit en grande partie cette exposition), qui révèle à la face du monde des Arts et de la Culture l’importance de l’art bushinenge.
Bushinenge : homme des bois, de la forêt, à rapprocher de bushman, homme de la brousse africaine (avec une forte connotation de déni d’humanité, en Afrique du Sud.)
Dans les deux cas, pidgin et créole, il s’agit de mix et mélange de langues africaines et européennes principalement.
Tembe : sociétés qualifiant l’art Bushinenge, dans le Ten, temps, et la pensée, Membe. Où « La sorcellerie est strictement interdite chez les Marrons » qui combattirent la traite des traitres, arrivé aux Amériques.
Donc, tout avait excellemment bien commencé, au vernissage, en mode garden party dans les jardins de la Maison d’Amérique Latine, boulevard Saint-Germain-des-Prés auprès desquels se succèdent de magnifiques jardins, en enfilade presque, du Quai d’Orsay à ladite Maison, en passant par l’Assemblée Nationale et l’Assemblée Parlementaire Francophone.
C’est trop cool et bucolique pour être trop feutré…
C’était trop beau pour durer… Le lendemain du vernissage, projection en vidéo conférence, liaison directe avec la Guyane Suriname, aucun océan ne peut nous séparer, avec un Ancien, Antoine Lamoraille, maître de cet art bushinenge, qui n’avait pu traverser en sens inverse de la transatlantique de ses lointains aïeux.
Il parle en langue du Pays bien aimé en pleurs, Antoine Dinguiou traduit. Sauf que, il y a un hic… C’est quoi ce caucasien poilu pas poli, « débout » en pagne, mains sur les hanches, ventre bedonnant en avant toute ? Et v’la que je m’ pavane ! En fait le direct se passe chez lui, l’Ancien n’ayant pas la Wifi.
Voir en ce sens, Christine CHUNG, fondatrice de GUYACOM, qui ne put être présente, en février 2019, au Sénat, pour le colloque Femmes et Entrepreunariat en Outre Mer, son vol ayant été annulé. Soit. Mais surtout, on lui retira son agrément pour connecter l’intérieur du Pays, suite à son indocilité politique… Ledit agrément fut octroyé à société spécialisée dans la Wifi en haute mer… Cf. L’Afrique Littéraire et Artistique, N°1, juil. 2022, p 199-200.
Puis notre Caucasien de base de revenir, portant enfin une chemise… Du coup, à l’inverse de la double peine, il sentit doublement autorisé par les bienfaits de la mission humaine de civilisation, de parler de l’art bushinenge, s’appuyant sur ce sempti éternel argument d’autorité, utilisé justement en rhétorique quand on est à court d’arguments, « ça fait trente (30) ans que j’habite là… ». Mal lui en prit. Toute la Guyane de se lever d’un seul homme (et d’une femme présente aussi, Sherley Abakamofou ), et de quitter la salle (j’allais dire l’hémicycle…). Quel affront, pour celles et ceux nés là, ainsi que leurs parents, grand-parents, arrière et aïeux !
Il fallut toute le tact de Geneviève et Thomas pour raisonnablement les ramener dans la salle…
ARTISTES EXPOSÉS
Sherley Abakamofou Carlos Adaoudé Thomas Adiejontoe Franky Amete
Wani Amoedang Antoine Dinguiou Karl Joseph, Antoine Lamoraille John Lie A Fo Nicola Lo Calzo Feno Montoe Ramon Ngwete Gerno Odang Marcel Pinas Pierre Verger.
L’ART DE BRISER SES CHAÎNES
GENEVIÈVE WIELS. THOMAS MOUZARD.
Préface de Christiane Taubira.
Cette exposition, sous la houlette de Geneviève Wiels (retraitée, ex RFO et Africa N°1 Gabon, entre autres), assistée de Thomas Mouzard autre commissaire, est chargée de la mission de « mettre en valeur l’art des peuples d’origine africaine… sur le continent américain… où la forêt les a protégés » des turpitudes barbares et sanguinaires, sévices cruels et mortels pour dire génocidaires, de la traite des traitres à l’Humanité : l’esclavage. Pour ces Africains déportés en des camps de concentrations, goulags liberticides, il s’agissait de se porter en faux contre cette horrible ignominie, ignominieuse horreur, et de « défendre leur liberté… puis exprimer leur sens du beau, de la grâce : le MOY ».
Les peuplades marronnes « ont adapté, dans les bois, les structures sociales, les religions, les savoir-faire africains restés dans leurs souvenirs. », saupoudrés des contacts caucasiens forcés et de l’amitié amérindienne humaniste et non humanitaire.
« Traditionnellement, un artiste ne signait pas ses oeuvres. ». Mais, rappelle Antoine Dinguiou, l’un des Tembe Man de l’expo, « C’est la réalité de la population noire expatriée de l’Afrique par force. L’art a été le vecteur de communication dans les plantations de Suriname, puisque la communication entre les esclaves était interdite. »
Il fallut « représenter la continuité artistique exprimée par ces peuples » Saamaka, Dyuka, Paamaka, Boni-Aluku, Matawai, et Kwenti. « Nous découvrirons une culture originale, issue d’une guerre de plusieurs siècles », contre l’esclavage, « d’hommes respectueux de la nature (et) qui ont trouvé dans cette liberté chèrement gagnée une récompense insoupçonnée : le goût du Beau ».
En avant-propos, Christiane Taubira interroge et s’interroge: « s’agit-il d’art, d’artisanat, voire d’artisanat artistique ? », pour affirmer : « Aucun monopole n’est fertile, et la polyphonie n’empêche pas la souveraineté ». Rappelle « les anciens quilombos et palenques, dirigés par des femmes… ».
On pense à ce percussionniste argentin blanc, Martin Saint-Pierre, citant la Reine Noire des comdomblés, « Mairesse » de Buenos-Aires, dont la population, moitié XIXème siècle, était composée à plus de 80%, de Noirs d’Afrique de races et de racines…
De rappeler « les anciennes affiches d’avis de recherche », faisant étalage de la solidaire barbarie des esclavagistes à l’encontre des Noirs qui s’évadaient de ces camps de concentration, après avoir été déportés… La forêt, sur le continent, protégea les Marrons, entendez anti-esclavagistes, des barbares esclavagistes, alors que l’eau transformait une ile en un bagne insulaire, après la traitresse traversée transatlantique de négriers cruels, sans scrupules ni états d’âme et traites à l’Humanité. « La feuille de Guyane » publiait, comme chroniques hebdomadaires, les déclarations de marronnage, les Marrons ayant fait sécession dès 1776, sous l’autorité de Boni, chef de guerre et Aluku, chef spirituel. « Marronner est considéré comme un crime » alors. « Partout, dans tous les pays où les bateaux négriers les ont conduits de force, des esclaves se sont enfuis… » Le « Marronnage », c’est « l’art de briser ses chaines. »
Les Africains déportés venaient de la côte atlantique, du Sénégal à l’Angola ; ça ratissait vraiment large… Les barbares esclavagistes, traitres à l’Humanité et à la Cause du Peuple, les mélangeait entre eux, non par goût ou souci du métissage culturel, mais parce qu’ils « voulaient des esclaves dociles ne possédant plus ni souvenirs, ni langue, ni culture. »
Marronner, c’est éviter de se faire du mouron en refusant cette aliénation culturelle et de broyer du noir.
Paradoxalement, ladite société "est matrilinéaire - on hérite de sa mère biens, savoirs, savoir-faire, ancêtres et identité -, matrifocale - les mères sont au centre des relations sociales - et polygame »… La femme reste dans son village, où l’homme vient y construire pour elle. Elle garde tout, en cas de coups durs et autres ruptures. À telle enseigne qu’un homme sans soeur, et non sans coeur, qui fonderait un visage, verrait celui-ci disparaîtrait à sa mort…
En 1775, on estimait qu’il y avait quelques 75 000 Africains esclaves au Suriname ! En 2013, on estimait que les populations marronnes (c’est-à-dire qui refusèrent l’esclavage, après leur déportation d’Afrique au Suriname et en Guyane ) se composaient comme il suit : 11 000 Boni Aluku ; 82 000 Dyuka ; 82 000 Saamaka…
L’esclavage rapportait beaucoup d’argent, attirant la convoitise de nombreux aventuriers et autres opportunistes à la recherche de l’enrichissement facile et rapide en veuleries. « Les Suisses sont totalement engagés dans le commerce des esclaves… Sans coloniser aucun pays, les Suisses se sont donc enrichis grâce à l’esclavage. ». Il y avait aussi une très forte colonie juive, d’où la construction de la « très belle synagogue qui existe encore aujourd’hui », à Paramaribo, en 1723.
« Les planteurs de confession juive, comme les autres planteurs, vont posséder des esclaves, avoir des enfants métis et ces enfants, nés de mère esclave, donc non juive, vont tout de même être considérés, par la communauté, comme juifs. »
La Révocation de l’Édit de Nantes, à Fontainebleau, eut lieu le 18 octobre 1685, par Louis XIV. Mars 1685, c’est la promulgation du Code Noir, concocté par Colbert et son fils pour la plus grande gloire du Roi Soleil.
Des milliers d’huguenots (protestants) affluèrent au Suriname, ou Guyane Hollandaise, dès 1686. « Au milieu du XIXe siècle on compte 263 plantations » de 150 esclaves, en moyenne. « L’année de l’abolition (1808), l’Anglais Hugh Wright », à Paramaribo, le plus riche des traitres esclavagistes, en avait 1779…
« En 1873, Charles-Marie Félix Martin, sourd de naissance et allergique à l’injustice et à l’esclavage, expose à Paris, au Salon annuel, une sculpture de marbre blanc : La Chasse au nègre… » Notez que chasse est écrit avec une majuscule, mais pas Nègre… « La sculpture représente un esclave en fuite, couché au sol, livré aux crocs et aux griffes d’un molosse dressé à la chasse à l’homme… ». L’oeuvre ne sera pas exposée. Achetée par l’État, elle est « expédiée au musée d’Évreux, en route pour l’oubli. ». Il fallait éviter cette -mauvaise - image de marque rebaptisée « Noir attaqué par un molosse », lors de l’Exposition coloniale, 1931. Puis, « dans une lettre du 8 février 1938, le directeur de l’Institut colonial rappelle au ministre de l’Instruction publique et des Beaux-Arts que cette sculpture fait toujours polémique :… il nous paraît que le sujet qui l’a inspirée présente quelque chose de douloureux pour notre conscience nationale et profondément blessant pour notre doctrine coloniale. » Ce n’est qu’en 2001 qu’elle sera réhabilitée…
Janvier 1875, le gouvernement vote, à une voix près, la IIIème République, à la barbe et au nez d’une Xème monarchie…
Dans les Années 30, Paul Rivet, premier directeur du tout nouveau flambant neuf et pimpant Musée du Trocadéro, « cofondateur par ailleurs de la Maison de l’Amérique Latine en 1946 », là où se tient notre exposition, s’intéresse à l’art bushinenge.
La mission échoit à Léon-Gontran Damas, immense poète guyanais. Il sera ami de bourlingues culturelles et intellectuelles du journaliste-écrivain camerounais, Iwiyè Kala-Lobè, et du sénégalais Alioune Diop, beau-frère d’I K-L et fondateur de Présence Africaine.
Cette mission eut lieu en 1934-1935. Mais face au réquisitoire anti colonialiste de Damas, in « Retour de Guyane », les 127 pièces rapportées sauront black-outées par les milieux officiels…