L’ENTRÉE, LE SÉJOUR ET LE PREMIER ACCUEIL DES PERSONNES ÉTRANGÈRES
Alors qu’on s’apprête à voter une Xème loi sur l’immigration et ‘asile politique, curieux amalgame, l’occasion faisant le larron, il nous a paru opportun de parler du rapport de la Cour des Comptes, de 2019, à ce propos.
Mais avant, quelques généralités.
Mardi 6 décembre 2022. Laurent Marcangeli, député LCP à droite toutes, président du groupe Horizons et Apparentés, devant ses pairs réclamait une refonte totale de la matière; en effet, il existe 180 titres différents de séjour, pour trois malheureux petits motifs de séjour…
En plus du flou juridique, qualifié d’infra droit, qui règne sur le statut de l’immigré et non de l’étrange non communautaire rajoute-t-on, la terminologie ne fait qu’augmenter la confusion. Immigrés, migrants !!! Appelations désobligeantes et peu respectueuses de l’homme et de ses droits. On est loin des notions valorisantes que sont les expatriés, coopérants et autres touristes. C’est ainsi que douce France, « cher pays de mon enfance », pour d’aucuns, se transforma en cher pays de mes souffrances pour d’autres.
Où est donc cette douce France, fille aînée de l’Église, mère de la Révolution, patrie des Droits de l’Homme, et terre d’accueil ? Ne sommes nous pas tous frères, libres et égaux ? Liberté-Égalité-Fraternité ! Comment pouvons-nous être frères, si nous ne sommes pas pareillement libre et égaux, tous ? Rhétorique de la punch line…
Alors, ce rare rapport de la Cour des Comptes vient quelque peu éclairer les ténèbres qui obscurcissent et voilent (attention danger!) le bas débat sur le statut de l’autre.
L’ambiguïté des appellations : étranger non communautaire, ça veut dire quoi en France et francophonie ? Peut-on ainsi profiter et de l’UE et de la Francophonie et de l’Outre Mer juste pour mener des politiques migratoires répressives, qui vont à l’encontre des libertés d’aller et de venir ? Oui, bien sûr….
L’opacité du flou juridique en la matière, l’infra droit, est accélérée par le peu de donnes chiffrées et l’absence de statistiques; il ne fait pas bon de broyer du noir. ‘Faut les laisser dans le noir !
Depuis la Grèce antique où, parai-t-il se dessina les pourtours de la naissance de la Démocratie, (qui ne sera déifier que sur la Place de T’ien-a’Men), la tripartite sociale intégrait noble, peuple et esclave… La Révolution, abolissant l’esclavage, avait pour classes noblesse, clergé et tiers-état annonciateur du tiers monde pur pour l’universalisme du capitalisme-impérialisme. C’est toujours ce qui a cours, de nos jours, où les matières premières africaines circulent beaucoup plus librement que l’African-African !
La Cr des Cptes, conscient du poids historique de ce comportement préhistorique gravé dans les Chroniques de la mémoire des droits de l’homme, ne s’égare pas à la gare des considérations perdues en sociologie, ethnologie ou anthropologie.
Achevé janvier 2020, sans considérer « la mise en œuvre de la loi n°2020-290 du 23 mars 2020 d'urgence pour l'épidémie de covid-19 », ce rapport « porte sur les procédures et dispositifs prévus pour l’entrée et le séjour des étrangers et le droit d’asile ( code Ceseda) et non sur l’immigration lato sensu, phénomène social, géopolitique ou historique ».
Il « s’intéresse au premier accueil des personnes étrangères, il ne traite le lent et complexe processus d’intégration des immigrés qu’à travers les dispositifs spécifiques, comme le contrat d’intégration républicain (Cir) ou l’entretien d’assimilation… »
Depuis 2003, 8 lois ont été votées sur l’immigration et l’asile. Le nombre d’étrangers entrés en France, en 2019, a augmenté par rapport à 2010, la composition de l’immigration évoluant.
Traditionnellement professionnelle et familiale, cette augmentation est due au fait des demandes d’asile et d’inscriptions des étudiants internationaux.
2019, 276 576 premiers titres de séjour furent délivrés. 2016-2019, on voit le nombre de premier titre connaître une progression annuelle de 30 % par rapport à 2010-2012.
Bien qu’en augmentation, ces chiffres placent la France parmi les grands pays les plus restrictifs, nettement en-deçà de Suède, Allemagne, Espagne. Seuls les États- Unis délivrent moins de titres que France. Par ailleurs, dans le contexte de « la crise européenne de l’asile », la France, est devancée par la Grèce et l’Allemagne, mais devance l’Italie et le Royaume-Uni.
Bien que ce rapport ne concerne que le premier accueil, il n’en demeure pas moins que le flou juridique, l’infra droit généralisé, mélange et les premiers accueils et les déjà accueillis.
Ces lois ont les mêmes objectifs : maîtriser l’immigration, garantir le droit d’asile, réussir l’intégration .
«Maîtriser » signifie réduire le nombre de personnes admises à séjourner. Seules les immigrations professionnelle et étudiante sont entièrement contrôlées, quantitativement et qualitativement par les autorités gouvernementales.
Ces dernières années, les procédures et dispositifs, pilotés avant par les ministères des Affaires Sociales, Affaires Étrangères, Justice, Travail ont été placés sous la tutelle du ministère de l’ Intérieur.
La Cour règle ses comptes : « les conditions de délivrance des titres de séjour se dégradent, tant du point de vue des personnes qui y sont soumises, que des agents de l’État qui en sont chargés ».
Les délais se sont allongés de 10 %, entre 2016-2018, pour les 1ers titres, 34 % pour les renouvellements, pour baisser au 1er semestre 2019, où la délivrance de titre nécessite 4 visites en préfecture, loin de l’objectif d’un seul passage évoqué par la direction générale des étrangers en France (DGEF).
La modernisation numérique ne concerne pas les procédures d’immigration. Les programmes France Visa et Administration numérique des étrangers en France (Anef), lancés en 2013, ont vu leur coût prévisionnel multiplié et leur calendrier allongé, tant et si bien que leur déploiement – et tous les effets positifs qui en sont espérés – n’interviendront au mieux qu’en 2021 (ce rapport est de 2019…).
Les conditions d’accueil posent problèmes dans plusieurs préfectures. Le régime du séjour est marqué par la brièveté des titres et les renouvellements fréquents.
2018, 76 % des premiers titres et 66 % des renouvellements avaient une durée de validité d’un an, par rapport à 2010 (82 % et 70 % respectivement), en dépit de l’extension des cartes de séjour de deux à cinq ans. Le nombre de refus de renouvellement n’excède pas, chaque année, plus de 1 % des décisions.
L’ ASILE : une politique sous forte tension depuis dix ans
En 2019, 154 620 personnes (dont 34 920 enfants) demandèrent l’asile en France, soit une multiplication par 3 par rapport à 2010. Cette croissance, continue depuis dix ans, contredit les prévisions sur les moyens alloués à la garantie du droit d’asile.
Le système, engorgé, peine à respecter les délais de décision fixés par la législation, l’asile faisant l’objet d’une harmonisation européenne, notamment en matière de procédures et d’accueil.
Le parcours du combattant des demandeurs commence dans les structures de premier accueil des demandeurs d’asile (Spada), gérées par des organismes prestataires – souvent associatifs – pour l’Office français de l’immigration et de l’intégration (Ofii).
Les Spada pré-enregistrent les demandeurs, leur attribuent une domiciliation postale et les aident à préparer leur enregistrement en préfecture, en 3 jours.
2015, mise en place de 35 guichets uniques pour les demandeurs d’asile (Guda). En fait, pas vraiment des guichets uniques, mais plutôt des guichets communs entre les préfectures et l’Ofii, l’Office de protection des réfugiés et apatrides (Ofpra) n’y participant pas… Ce qui empêche, dès l’enregistrement des demandes, de fixer une date pour l’entretien de la décision de protection ou de rejet.
Malgré les Guda, les pouvoirs publics respectent peu le délai légal de trois jours. Il y a des grandes disparités d’un Guda à l’autre et d’un mois à l’autre. De plus, des « délais masqués » sont fréquents, quand les demandeurs d’asile ne parviennent pas à accéder à une Spada ou si celle-ci ne peut leur obtenir de rendez-vous en Guda, même à lointaine échéance.
Les conditions matérielles d’accueil sont insuffisantes quant à l’hébergement, malgré une législation européenne sur l’allocation pour demandeur d’asile (Ada), gérée par l’Ofii.
L’Ada est de 6,80 € /j, sauf en Guyane et à Saint-Martin 3,80 € ; à Mayotte elle n’est pas attribuée. Plus 7,40 € par jour et par adulte pour les demandeurs qui ne sont pas hébergés
fin 2018, il y avait près de 85 055 places, (+ 20 % sur 2015), d’hébergement pour les demandeurs en dispositif national d’accueil (DNA), Septembre 2019, 47 % des demandeurs étaient hébergés, alors que la prévision gouvernementale, un an auparavant, estimait ce taux à 72 %…
Alors que la gestion du DNA est en principe confiée à l’Ofii, qui ne dispose pas de tous les leviers pour statuer sur les entrées et les sorties, fin 2018, environ 37 000 personnes étaient hébergées, au sein du DNA alors qu’elles n’en avaient plus le droit…
Des délais qui ne peuvent guère être atteintes en pratique
C’est à l’Ofpra ou, en appel, à la Cour nationale du droit d’asile (CNDA) de statuer sur les demandes d’asile. Mais les délais assignées par l’État sont plus strictes que les obligations légales, pour décourager les demandes infondées. Dans la procédure dite « accélérée », la décision théorique est prise en 15 jours, contre six mois dans la procédure « normale ». La question des délais est obscurcie par des contradictions entre délais légaux issus du droit européen, délais assignés par l’État et délais réels….
L’Ofpra devrait réduire ses délais de décision de 213 jours, en 2015, à 137 jours, en 2018. Mais l’Ofpra n’est jamais parvenu à traiter 75 % des demandes en moins de 203 jours et 95 % en moins de 517 jours…
IMMIGRATION
La modernisation des procédures d’immigration régulière ,familiale et professionnelle, se fait attendre
Les procédures sont inutilement longues, peu prioritaires et peu orientées par des objectifs qualitatifs.
Le regroupement familial concerna 21 795 personnes, en 2018, l’Ofii, s’assurant que les conditions de logement et ressources sont remplies.
En principe, ce sont les communes qui en sont chargées, mais en pratique, nombreuses s’en abstiennent. Alors, l’Ofii se substitue à elles. la décision du préfet -d’accéder ou non à la demande de regroupement familial- doit intervenir dans les six mois, sans que ce laps de temps apparaisse lié à un enjeu de rigueur ou de sélectivité.
L’immigration professionnelle connaît deux statuts: / les postulants avec un passeport talent – diplômés de l’enseignement supérieur – engagent eux-mêmes les démarches (8 591 en 2018, dont 55 % de scientifiques et artistes), / les demandeurs salariés font l’objet d’une demande d’introduction par leur futur employeur, qui doit justifier de ne pouvoir recruter en France.
En fait, il s’agit d’une redevance que l’employeur doit payer ; or la redevance Tv n’est plus.
La visite médicale elle aussi gagnerait à être revue dans une perspective de santé publique, apprend-t-on encore dans ce rapport.
La délivrance de titres de séjour à des personnes déjà présentes sur le territoire
Le régime juridique de la régularisation, ou admission exceptionnelle au séjour (AES), ressort du pouvoir discrétionnaire d’appréciation de l’administration. Des circulaires suggèrent aux préfets une durée de séjour minimale de 5 ans, au point que celle-ci acquit quasiment le statut d’une règle.
L’exigence d’intégration, incarnée par le seul contrat d’intégration républicaine (Cir), bénéficia à 97 940 personnes, en 2018 (hors étudiants).
Les actions prescrites : la formation civique (FC), obligatoire sur 4 jours ou en apprentissage de 200 à 600 heures, a pour objectif d’atteindre le niveau A1 du cadre européen de référence.
Reste que la durée du parcours de formation est souvent insuffisante pour atteindre le niveau demandé.
Il n’existe pas réellement de sanction pour ceux qui ne suivent pas les formations, mais ce problème ne se pose que très très peu : le pourcentage de Cir résiliés pour défaut d’assiduité s’est élevé à 1,7 %, en 2018.
La nationalité française, procédure longue qui se substitue de facto à un statut de résident permanent, peu présent dans le régime actuel du séjour, est quasi impossible à obtenir pour les non Européens.
2019, 74 933 personnes ont la nationalité française : à leur demande (49 671), par mariage avec une Française ou un Français (25 262). La baisse est marquée en dix ans (-30 %), avec une situation critique en 2011, du fait de délais anormalement longs et de la dispersion élevée des taux de rejet, de 25 à 80 %.
Les délais d’instruction demeurent très longs. Les 270 jours d’instruction ne sont pas respectées par les 19 plateformes d’instruction. Le dépassement se compte en dizaines, voire centaines de jours sur certaines d’entre elles.
L’« entretien d’assimilation » est un face-à-face de 20 à 30 minutes entre un agent de la préfecture et le demandeur. Cet entretien, bref et formel, contraste avec l’enjeu légal et symbolique qui le justifie. L’article 21-24 du Code Civil, évoquant le « contrôle de l’assimilation », n’est respecté que superficiellement.
La gestion du départ des personnes en situation irrégulière
c’est le ratio du nombre de départs effectifs sur le nombre d’obligations de quitter le territoire (OQTF), prononcées par les préfets, et, d’interdictions du territoire (ITF) prononcées par la justice. 2018, le ministère de l’intérieur compta 30 276 départs, dont 19 957 par mesure administrative.
L’alternative du départ s’inscrit entre approche de principe éloignant sous la contrainte des personnes en situation irrégulière, et, approche pragmatique : obtenir le départ des personnes susceptibles de le faire volontairement et trouver des solutions pour les autres.
Le départ volontaire aidé, géré par l’Ofii, est le moyen le plus efficace et le moins coûteux ; une aide financière forfaitaire (650 €, voir une majoration exceptionnelle entre 1 200 € et 1 850 € ces dernières années) ; une assistance en vue du voyage de retour et, même, une aide à la réinsertion dans le pays d’origine. 4 758 départs aidés en 2015, 10 676 en 2018, 8 772 en 2019. On pense à la loi Lionel Stoléru sur la prime au retour en Afrique, sous VGE. Alors qu’il pleuvait des opérations coup de poing, chères à Michel Poniatowsky, VGE recevait, à petit-déj’ des éboueurs africains au lieu dit Élysée, avant de couronner, en direct, sur Antenne 2 Bokassa Ier, en Centrafrique…
Affaire à suivre…
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