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Paul EHONGO DIMA Note d'analyse part 2

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La saisine du Conseil de sécurité par le Mali est l’ultime épreuve diplomatique et juridique, qui clos la piteuse défaite de l’armée française au Mali, que très peu en France, ont eu le courage d’analyser afin d’en tirer les enseignements, à l’instar de quelques chercheurs, comme Marc-Antoine Perouse de Montclos. Les autorités françaises se contentent habituellement, d’adopter la politique de l’autruche, accusant ce qu’elles qualifient outrageusement de « sentiment anti-français », en attribuant la cause de leurs échecs, à la guerre médiatique que leurs livreraient la Russie, la Chine ou encore la Turquie, stipendiant les Africains. Cette position, reposant sur le postulat que les Africains ne seraient pas aptes à penser par eux-mêmes, continue d’être martelée de manière impudente par le président Macron.


Cet évènement singulier, a un retentissement particulier, dans une Afrique, plus que jamais, jeune et indocile, qui persiste en dépit des injonctions comminatoires lui étant adressées, dans son refus de prendre parti contre la Russie, au sujet du conflit opposant celle-ci à l’Ukraine et ses alliés d’Occident, malgré de lourdes menaces, des États-Unis et de l’Union Européenne, exprimées par la voix de la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen et par une loi inique des États-Unis, adoptée hâtivement par la Chambre des représentants le 27 avril 2022, et promettant de graves sanctions contre les États, les individus ou autres entités, d’Afrique, qui collaboreraient avec la Russie. Cette loi est heureusement dénoncée par la Communauté de Développement des États d’Afrique Australe ou Southern African Development Community (SADC).


Cet évènement a en effet, la profondeur et la saveur, pour paraphraser Aimé Césaire, de quelque chose qui de l’ordre évident ne déplacera rien, mais qui fait que les coraux au fond de la mer, les oiseaux au fond du ciel, les étoiles au fond des yeux des femmes tressailliront le temps d’une larme ou d’un battement de paupière.


Il faut remonter à la fin du 19ème siècle, au moment où la rapacité et la férocité européennes, à leur paroxysme, poussent l’Europe à s’emparer de l’Afrique entière, perçue comme fragile et sans défense, en recourant à la fois à la canonnière et aux armes juridiques, pour trouver un tel acte de défiance et de bravoure, de la part de ceux qui avaient alors le lourd fardeau du destin des empires et/ou royaumes africains et étaient chargés de la défense de la souveraineté de cette partie du continent africain, autrefois militairement intégrée au Soudan français, qui est aujourd’hui connue sous la dénomination de république du Mali.


Il suffit de songer à l’écho de cet évènement, avec les tentatives d’enrayer la pénétration européenne, par la résistance militaire, la négociation et la signature des traités synallagmatiques de non-agression, ou encore l’écho de la fureur de la prise de Sikasso par les français, à la fin du 19ème siècle, en violation des traités signés, de même que l’écho de la résistance héroïque, opposée par les populations africaines de Sikasso face à l’artillerie de l’armée française, en ce temps-là, tels que ces évènements nous sont relatés par l’historien burkinabè Joseph Ki-Zerbo.


Cet auteur nous apprend d’abord que lors de la prise du fort de Bakel en avril 1886, face à l’armée de Mamadou Lamine Dramé, « les français passèrent alors à des méthodes terroristes de razzias contre les villages favorables » et « d’exécution sommaires ».


Il nous apprend ensuite qu’alors qu’Amadou de Segou, dirigeait à la fin du 19ème siècle, un vaste empire regroupant Segou et le Mancina, l’actuel Mali, le traité de protectorat qu’il signe avec le plénipotentiaire français Archinald, le 12 mai 1887, est très vite violé et en 1888, il adresse une lettre de protestation contre les empiètements de la France en ces termes : « vous avez fait, irruption dans mes États sans autorisation, sans droit aucun et au mépris des traités qui nous liaient ». Ayant pris les armes contre la France, Amadou meurt en 1898, l’année même où Samori était pris par les français et où Sikasso tombait à son tour.


Joseph Ki-Zerbo nous apprend enfin qu’à l’occasion de la chute de Sikasso, Babemba le roi du Kénédougou, territoire de l’actuel Mali, retiré dans sa forteresse de Sikasso s’adressant à son garde s’écria « tue-moi ! tue-moi pour que je ne tombe pas entre les mains » des ennemis. Le garde déchargea son arme sur lui et le roi qui glissait déjà sous le coup, se redressa pour s’achever de sa propre main, honorant ainsi son serment : « Moi vivant, les Français n’entreront pas à Sikasso ».


Le droit international public d’alors, a été impuissant à retenir, l’avidité ainsi que la bestialité des nations européennes et leur détermination à s’accaparer de l’Afrique. Une clause de l’Acte de Bruxelles de 1890, notamment ses articles 7 à 13, restreignait la vente des armes perfectionnées aux Africains, pour faciliter le dessein des européens de faire main basse sur le continent africain.


En l’absence d’institution internationale pouvant arbitrer les conflits entre les différentes nations, la lettre de Samori en 1892, au capitaine anglais Kenney, demandant au Royaume-Uni son arbitrage, dans le conflit entre la France et lui, ne fut pas agréée, en application de l’accord franco-britannique du 10 août 1889, reconnaissant le protectorat de la France sur Samori.


La conclusion d’accords entre nations européennes s’attribuant les zones d’influences, le partage de l’Afrique issu de la conférence de Berlin de 1884 et 1885, et la signature par contrainte des traités de protectorat, ont été les instruments juridiques, permettant la constitution des protectorats en prélude à la colonisation directe, par l’annexion militaire et juridique pure et simple. Ce qui fut appelé alors en Occident, le temps du « pacte colonial » est appelé depuis le 19ème siècle par les Africains « le temps de la force ».


Aujourd’hui, les preuves de la violation de l’espace aérien malien par des aéronefs français sont d’ores et déjà établies. Celles du soutien aux mouvements terroristes restent encore en débat. Si l’issue de la bataille juridique actuelle entre le Mali et la France reste incertaine, qu’en est-il de la bataille géopolitique ?


La défaite géopolitique ?


En invitant clairement les États membres de la Communauté Économique des États de l’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) à sanctionner le Mali par le gel de ses avoirs et devises, dans les comptes de la Banque Centrale des États de l’Afrique de l’Ouest (BCEAO), et en instituant un embargo illégal contre le Mali, les autorités françaises ont clairement inscrit leur action dans le champ de l’affrontement géopolitique, en menant contre les autorités de la transition du Mali, une guerre hybride par proxy, et en se servant de leurs alliés de la CEDEAO.

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